Lois du jeux

Mohamed Ghouti : «Un marchandage maladroit !» – ITW. N. Bessol

Le président de la Ligue de wilaya d’Oum El Bouaghi, membre du Bureau Fédéral et Président de la Commission de la Coupe d’Algérie, Mohamed Ghouti, est un homme déçu. Après un mandat plein au côté de Kheireddine Zetchi et seulement un mois après son élection au sein du Bureau Fédéral dirigé par Charf Eddine Amara, il a choisi de se consacrer, exclusivement, à sa Ligue de wilaya, non sans dire ses quatre vérités au nouveau président de la FAF et à ses collègues du BF. A la veille de la réunion statutaire, [entretien réalisé dimanche soir, NDLR], il évoque une démarche «malvenue voire maladroite» du président de la FAF et se déclare «non concerné» par la réunion d’aujourd’hui. 

Président, vous sortez d’une la réunion avec le président de la FAF, Charaf Eddine Amara, qu’avez-vous à nous dire ?
C’était plus une rencontre qu’une réunion au sens propre du terme. A la veille de la réunion du Bureau Fédéral, il était normal et important que les membres de cette structure, concernés par le décret n°21-60 du 8 février 2021 interdisant le cumul, puissent rencontrer le président de la FAF et échanger avec lui. Avec tout ce qui s’est passé, on se devait éclaircir les choses avec lui.

Vous faites allusion aux deux courriers envoyés par le président de la FAF, où il vous demande de choisir entre rester au BF ou dans vos Ligues ou clubs respectifs, sous peine de ne pas «être concernés» par la réunion du BF ?

Oui tout à fait ! Je pense que la démarche était un peu malvenue voire maladroite. Tous les membres concernés ont très mal pris la chose, du moins lors de nos différents échanges. Concrètement et statutairement, personne ne peut nous interdire de prendre part aux travaux du BF et de participer aux délibérations. A partir du moment où il n’existe aucune décision dans ce sens des organes compétents, nous sommes membres du BF à part entière.

Qui était à l’origine de cette rencontre ?

Je pense que l’urgence de la situation et sa gravité ont fait que cette rencontre ait lieu. Je dirais que les deux parties avaient intérêt à se voir la veille de la seconde réunion statutaire du BF. Le président nous a envoyé deux correspondances, la première nous invitait à faire un choix entre rester au BF ou de rester dans nos Ligues avant d’assister au BF. Nous n’avons pas répondu à cette première correspondance. Une seconde lette est arrivée pour nous informer que si nous ne précisons pas notre choix avant le 31, on n’était pas concernés par la réunion du BF, de demain (ndlr : aujourd’hui). C’est pour ça qu’il y avait des contacts avec le président et les membres ou le vice-président. Je vous rappelle aussi que les membres du BF, ou du moins certains d’entre eux, et le président de la FAF se rencontrent traditionnellement à la veille du BF pour mettre certaines choses au point.

Comment s’est passée cette rencontre ?

Tous les membres concernés, sans exception, étaient présents et ont manifesté leur mécontentement et leurs inquiétudes suite aux deux lettres reçues. La question avait été discutée, déjà, lors du la première réunion du BF. J’imagine que le président n’a pas trouvé d’échos favorables et se devait de réagir.

Vous dites que tout le monde était mécontent, vous l’étiez par rapport à la décision du président d’appliquer le décret ou des lettres expédiées ?

Le mécontentement provoqué par les deux lettres est normal. Elles n’étaient pas les bienvenues. Ce n’est ni acceptable ni agréable de recevoir une lettre pareille. Mais au final, nous avons beaucoup plus parlé du décret et de son application que de la forme ou d’autre chose. Nous estimons, comme beaucoup d’autres responsables, que ce texte ne s’applique pas à la réalité du terrain ni aux statuts actuels de la FAF. C’est pour cela que nous sommes rendus à cette rencontre afin d’expliquer ou de tenter d’amener le président à une solution moins radicale. Malheureusement, il s’est montré catégorique : «J’ai un décret, je dois l’appliquer, vous devez choisir…», nous a-t-il lancé.

Vous avez été élu le 15 avril dernier, le décret prévoit un délai de 30 jours pour choisir. Vous avez largement dépassé ce délai et le texte prévoit une radiation à vie en cas de non-respect. A votre avis pourquoi cet ultimatum du 31 mai ?

Justement, c’est ce que beaucoup de mes collègues ont essayé de comprendre, quelle urgence y a-t il ? A ma connaissance le MJS, seul habilité à radier les membres comme le prévoit le texte, n’a pas saisi la FAF, depuis la dernière réunion du BF. J’ai personnellement posé cette question au Président. Je lui ai demandé pourquoi ce texte s’applique uniquement à la Fédération Algérienne de Football alors que toutes les autres Fédérations travaillent le plus normalement du monde avec des membres en situation de cumul ? Pourquoi cette urgence et cet acharnement contre la FAF et ses membres ? Tout comme je lui ai demandé pourquoi la date du 31 mai, avant la réunion du bureau, pourquoi nous ne disposons pas d’un autre délai ?

Quelle a été la réponse ?

Il m’a tout simplement dit : «Non, moi j’ai un décret je dois tout simplement l’appliquer. On doit prendre une décision.”

Quelle ont été les réactions ?

J’ai appris à mes dépends que tout ce qui intéressait mes collègues du BF était de garder leur qualité de membre dans leur assemblée générale d’origine. Ils sont, malheureusement, entrés dans une sorte de marchandage et de négociations que j’ai trouvé maladroit. Je n’ai ni apprécié ni cautionné.

Avec quelles garanties ?

Le président s’est engagé à inclure une disposition dans la nouvelle formule des statuts qui permette aux membres démissionnaires de ne pas perdre leur qualité de membre dans “leur assemblée”.

Comment ça ?

Ils ont obtenu que les nouveaux statuts de la FAF, cela même qui ont été préparés avec la FIFA et le MJS et qui doivent être présentés à l’assemblée générale de la FAF pour approbation ce mois de juin, autorisent les membres sortants du BF à réintégrer leurs Ligues et clubs respectifs en tant que membre de droit.

En quoi cette solution vous dérange, vous auriez pu faire comme tout le monde et rester au BF ?

(Il nous coupe) Non… non, je ne fonctionne pas comme ça !

Pouvez-vous nous expliquer, alors, votre position ?

Ecoutez, on s’est mis d’accord …

Lorsque vous dites on s’est mis d’accord vous parlez de qui ?

Je parle bien évidement des membres du BF concernés par le décret sur cumul. Lorsque je dis les membres je précise que cet accord s’est fait à l’unanimité. On s’est mis d’accord sur une démarche, qui devait même faire l’objet d’une communication commune afin d’expliquer notre position concernant le décret. Lorsque nous nous sommes retrouvés avec le président, j’ai constaté que tout ce qui intéressait mes collègues était de rester au BF et avoir la possibilité de revenir dans leur Ligues ou club de se représenter à nouveau au BF. Je n’ai jusqu’à présent pas de réponse sur cette volte-face. Lorsque j’ai entendu, le vice-président, Yacine Benhamza, dire tout haut qu’il était démissionnaire depuis le 15 mai, j’avoue que je n’ai rien compris. Pourquoi nous faire venir et discuter toute la semaine, mobiliser tout le monde pour ensuite changer radicalement de discours ? Je ne comprends pas !

Ce n’est pas votre cas ? 

Au-delà de la parole, qui n’a pas été respectée, sachez qu’en ce qui me concerne je ne compte pas m’éterniser au Bureau fédéral. Je veux que les choses se fassent en toute transparence et de manière juste et équitable. Personnellement, je n’ai jamais été convaincu par la pertinence du décret interdisant le cumul. J’ai, donc, expliqué ma position au président dans le calme et la sérénité.

Que lui avez-vous dit ?

C’est très simple. J’ai dit au président qu’il existe un décret bien travaillé ou pas, je ne porte pas de jugement. Il s’agit d’un texte officiel signé par le Premier ministre. Je suis un Algérien et je respecte les lois et les dispositions légales de la République. Il y a un décret et on doit choisir. Moi, je choisis de respecter scrupuleusement ce décret. Je choisis, maintenant, et sans condition. Je choisis «ma Ligue». Je n’ai pas besoin de garder cette qualité de membre. Demain, si je démissionne de ma Ligue, je représente qui et quoi au BF ? Ou est ma légitimité en tant que membre ? Les nouveaux statuts en préparation ne reconnaissent pas les individus, mais préfère les collèges, les clubs, les arbitres, les techniciens… des entités morales, afin de donner plus de légitimé aux représentant, mais aussi surtout, d’identifier les membres de l’AG au-delà des personnes.

Donc, Mohamed Ghouti quitte officiellement le BF ?

Oui et je n’ai pas de problème avec ça. J’ai fait un mandat plein avec le président Kheireddine Zetchi, que je salue au passage. Nous avons donné ce que nous avons pu. Nous avons réalisé de belles choses et nous nous sommes certainement trompés sur d’autres. Mais nous n’avons jamais manqué de dévouement ou de sincérité. Nous avons fait les choses par conviction et sans vouloir plaire à quiconque. J’ai, donc, décidé de rentrer chez moi, dans «ma Ligue», et continuer à travailler au niveau local. Autres chose…

Allez y …

Ce n’est pas facile de conjuguer les deux. Et puis si demain je ne souhaite pas, pour X raison d’aller au bout de mon mandat au BF, je deviens quoi, je vais où ? Je ne parle pas de mon cas personnel, mais les gens qui ont été bénévoles, comme moi durant plus de 30 ans, on en fait quoi ? Du jour au lendemain ils deviennent des OVNI dans le monde du football ? Un jeune compétant dynamique, qui a tout l’avenir devant lui et qui peut apporter beaucoup, il doit faire un mandat au BF et puis disparaitre, ou choisir de rester exclusivement et indéfiniment en région ? Je crois que ce n’est pas profitable à notre football de se couper de ses compétences et de restreindre les choses.

Président, votre décision n’est pas la conséquence d’un mauvais départ. Déjà, dès l’arrivée de Charf Eddine Amara, on a vu que les choses étaient déjà mal embarquées avant même l’élection ?

C’est clair. Il est évident que jusqu’au moment où je vous parle, je peux encore rester au BF, je n’ai rien signé officiellement. Et pour la précision, je ne démissionne pas devant le BF, mais auprès des membres du Bureau que je préside à Oum El Bouaghi. J’ai annoncé ma décision devant le président et mes collègues mais, il est vrai que rien n’est acté, même si pour moi, la question est tranchée. Il est vrai que le président, avant même son élection, a parlé publiquement de la Commission d’arbitrage que je présidais en indiquant qu’elle ne serait plus présidée par un membre du BF, alors que les statuts indiquent le contraire. Il m’a par la suite, déchargé de l’arbitrage pour en prendre la présidence lui même. Une première depuis l’indépendance du pays ! Certes, il m’a certes, nommé Président d’une grande Commission, celle de la Coupe d’Algérie et je l’en remercie au passage pour la confiance, mais je dois vous avouez que j’ai été touché. Tout en respectant ses prérogatives, il est libre d’installer les personnes qu’il souhaite, j’avoue que parler de la CFA uniquement et la jeter en pâture à l’opinion n’était pas opportun surtout lorsqu’on ne dispose d’aucune donnée. J’aurais souhaité aller au terme de la saison et faire le bilan.

Avez-vous parlé avec le Président de la FAF de tout cela et des déclarations ou il évoque des irrégularités ?

Oui bien sûr ! J’ai évoqué avec lui la fameuse liste des arbitres fédéraux. Elle n’était pas finalisée et devait connaitre encore des modifications. Sauf qu’entre temps nous avons été surpris par la décision du Président de prendre en main la CFA et la liste se trouvait au niveau de l’administration.  Elle a, donc été publiée en l’état, je dirais sous forme de brouillon. Pourquoi et par qui ? J’ai appris, par la suite, que c’était Mohamed Bichari, qui a ordonné sa publication. C’était à mes yeux et aux yeux de beaucoup une erreur monumentale qui a fait couler beaucoup  d’encre

Vous allez assister à la réunion du BF, elle sera, donc,  la dernière?

Oui, tout à fait, je souhaite prendre part à cette réunion afin d’éclaircir certains points notamment concernant la gestion de l’arbitrage et la CFA. Je n’aime pas les suspicions qu’on a plantées dans la tête des gens et il me semble que le BF est l’endroit le plus approprié pour rappeler certaines vérités et l’ampleur du travail accompli.

Dernière question, pouvez-vous nous expliquer et expliquer aux lecteurs ce que vous reprochez au décret interdisant le cumul. Comment impacte-t-il votre Ligue par exemple ?

C’est très simple. Pour résumer je dirais que ce texte va vider les assemblées. Si on interdit aux clubs de siéger à la Ligue de wilaya : qui et de quoi sera composé le bureau ? La situation est encore plus alarmante au niveau des Ligues Inter-régions, qui comptent, non seulement les présidents de Ligues de wilaya mais également ceux ses clubs. D’autant qu’il est entré en vigueur alors que plus de 80% des Ligues avaient tenu leur assemblée. Elles sont toutes dans l’illégalité tout comme les autres Fédérations. L’effet domino aura des conséquences terribles au niveau de la base. Nous sommes en train de nous focaliser sur le BF et le football et on oublie que ce texte concerne l’ensemble des Fédérations, les effets vont s’en ressentir à coup sûr !

Interview réalisé par Nazim Bessol

 

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