Analyses

ALG : Stupeur et soutien total à Zetchi ( Analyse- Par Nazim Bessol )

Une analyse de Nazim Bessol (Botola). La rédaction de Footafrique s’excuse de ne pas publier les documents qui accompagnent ce texte à la suite des contingences techniques. 

48 heures avant l’audition annoncée par le Comité de gouvernance de la Confédération africaine de football (CAF) des deux candidats à la présidence de l’instance, le Mauritanien Ahmed Yahya et du Sud-Africain Patrice Motsepe, le Comité de gouvernance de la FIFA a rendu public la liste des personnalités habilitées à briguer le poste de vice-président de la FIFA et de membre du Conseil de la même instance, le 12 mars prochain, en marge de l’Assemblée générale élective de la CAF, au Maroc. 

Sur les 20 profiles scrutés par le Comité de gouvernance de la FIFA, 17 ont été déclarés aptes et trois retoqués. Le Malgache Ahmad Ahmad, suspendu 5 ans par le comité d’éthique de la FIFA pour « avoir enfreint les art. 15 (Devoir de loyauté), 20 (Acceptation et distribution de cadeaux ou autres avantages) et 25 (Abus de pouvoir) de l’édition 2020 du Code d’éthique de la FIFA, ainsi que l’art. 28 (Détournement de fonds) de son édition 2018.», a été logiquement écarté de la liste des candidats à la vice-présidence de la FIFA, tout comme son second et actuel président par intérim de la CAF, le Congolais Constant Omari, membre du Conseil de la FIFA depuis 2015. Candidat à un nouveau mandat, il a été déclaré inéligible après l’ouverture d’une « enquête formelle en cours par la Commission d’éthique de la FIFA ». L’autre candidat retoqué n’est autre que le président de la Fédération algérienne de football, Kheireddine Zetchi. Une mise à l’écart qui pose de nombreuses questions, notamment sur le fondement même de cette décision.

Lettre au Secrétaire Général de la CAF

Dans sa lettre adressée au Secrétaire Général de la CAF, datée du 26 janvier 2021 (voir document), le Comité de gouvernance motive le rejet de la candidature de l’Algérien par le fait que : « M. Khireddine Zetchi a omis de signaler les sanctions imposées par la CAF et la Ligue de football professionnel d’Algérie. ». Cette sanction est signée par Mukul Mudgal, le président de Commission de gouvernance et Commission de Contrôle de la FIFA. Or, si les sanctions ont bien été prononcées, la première en 2016 par la Ligue de football professionnel (LFP), présidée par Mahfoud Kerbadj, et la seconde, le 18 janvier 2018, les faits reprochés suffisent-ils à l’écarter d’une élection au siège de la FIFA ? Mukul Mudgal et les membre de sa Commission ont répondu par l’affirmatif. Mais au-delà des sanctions, ce qui est reproché à Kheireddine Zetchi, c’est son omission, même de bonne foi. Assez pour le déclarer inapte à défendre ses chances, le 12 mars prochain au Maroc.

Un coup de tonnerre

Une décision souveraine, prise par un organe indépendant de la FIFA, mais qui interroge l’opinion sportive nationale et africaine. En effet, l’annonce du rejet de la candidature de Kheireddine Zetchi a eu l’effet d’une bombe au-delà même des frontières algériennes. Nombreux sont les responsables et journalistes qui ont immédiatement manifesté leur étonnement. La stupéfaction a rapidement laissé place à la comparaison et à ce jeu-là, la décision de la Commission de gouvernance de la FIFA a été unanimement dénoncée et considérée comme un règlement de compte en bonne et due forme. D’abord sur les motifs qui apparaissent fallacieux en comparaison avec d’autre candidatures validées.

Les cas de Hani Abou Rida et de Constant Omari

Ainsi, comment expliquer que certains candidats sont passés entre les mailles du filet ? La suspension prononcée à l’encontre de Ahmad Ahmad, en septembre dernier, aurait dû orienter les responsables du contrôle de la FIFA vers d’autre pistes, quand bien même, il reste à ce jour le seul responsable sanctionné, alors que l’article 20 (voir encadré) est très explicite. Il s’applique autant sur le donneur qu’à celui qui reçoit et dans ce cas, les documents attestant de la présence de Ahmed Yahya, de Abu Rida et de Lamin Kaba Bajo ont été transmis à la FIFA dès 2019 et publié à plusieurs reprises par les médias. Comment expliquer dès lors que la candidature de Hani Abu Rida pour le même poste que le président de la FAF, passe toutes les vérifications alors que son dossier sommeille au niveau du Comité d’éthique de la FIFA, depuis près de 4 ans ! Constant Omari a été écarté par le simple fait de l’existence d’une enquête en cours…

11 chefs d’accusation contre Isha Johansen

Mieux, le rapport PwC a détaillé une série d’anomalies dans la gestion, surtout financière de la CAF, qui rend ses responsables coupables de graves délits dont certaine relèvent du pénal. Autre point et non des moindres, la validation de la candidature de Isha Johansen, la présidente de la Fédération du Sierra Leone, qui a fait face à 11 chefs d’accusation, dont celui de détournement de donations et de fonds publics dans son pays avant d’être relaxée et dont la dernière Assemblée générale de sa Fédération remonte à plus de 5 ans ! Les exemples peuvent ainsi s’enchaîner quasiment à l’infini sans que les même mesures ne soient prises contre leurs auteurs.

L’ombre de Lagardère et la plainte contre Lekjaa

Quasiment aucun à l’exception de la confirmation de la mise sous enquête de Constant Omari et l’empêchement de Kheireddine Zetchi. Le Congolais paie cash les négociations, dont il était en charge avec l’agence Lagardère, alors même que l’Égyptien Abu Rida et le Marocain Fawzi Lekjaa siégeaient à ses côtés dans la Commission mise en place par Ahmad Ahmad. Le président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) et 1er vice-président de la CAF, depuis la suspension d’Ahmad Ahmad, a vu lui aussi son dossier passer le filtre de la FIFA. Pourtant, il avait fait l’objet d’une plainte (rapidement classée) de la Fédération éthiopienne de football, après la finale de la Coupe de la CAF en 2019, Zamalek-AS Berkane. Des vidéos de son intervention musclée auprès de l’arbitre éthiopien, Bamlak Tessema Weyesa, sont toujours en ligne.

Zetchi paie-t-il le prix de ses prises de positions ?

Existe-t-il un complot contre Zetchi et l’Algérie ? Une hypothèse qui prend de plus en plus de place, tant les contradictions sont flagrantes. L’audio fuité, mardi dans la journée, d’un mémo vocal, attribué à Wadii Al jarry, fraîchement suspendu par son Comité Olympique, qui est parti se plaindre auprès de Hani Abu Rida, en affirmant explicitement qu’il faut barrer la route à l’Algérien*, a fini par convaincre les plus sceptiques. Les récentes déclarations du président de la FAF, par rapport à la gestion de la CAF, ont dû aussi peser dans la balance. Interrogé par Botola, un ancien responsable de la CAF, qui a requis l’anonymat, donne sa lecture de la mise hors de jeu de Zetchi. « Nous sommes loin du changement tant annoncé et promis, le président de la FAF a refusé à juste titre d’entrer dans la matrice, il l’a dit haut et fort. Il est connu pour son sérieux et sa probité, à l’image d’un Tarek Bouchelmaoui, il a été sacrifié sur la route afin que les ‘barons’ puissent continuer à gérer le football continental à leur guise », nous explique notre interlocuteur.

* « S’il récolte plus de 5 voix, c’est un échec pour nous », lançait le sulfureux Wadii Al Jarry.

Recours suspensif ?

Dans sa déclaration à FAFtv, le président de la fédération algérienne de football a annoncé avoir agi de bonne foi (bona fide) et qu’il comptait introduire un recours contre la décision du Comité de gouvernance de la FIFA. «J’ai effectivement reçu une correspondance de la FIFA qui invalide ma candidature. Les raisons évoquées sont le fait de ne pas avoir mentionné sur le questionnaire (à renseigner au moment du dépôt de la candidature, ndlr), deux sanctions, à savoir : une sanction interne (par la Ligue de football professionnel algérienne, ndlr) qui a été prononcée en 2016 alors que j’étais officiel dans mon club pour une déclaration à la presse. La seconde est une sanction au niveau de la CAF pour avoir quitté le Comité d’organisation du CHAN en 2018. J’ai rempli le formulaire en bonne foi. Aujourd’hui, je ne voudrais pas donner plus de détails, car je veux user de mon droit de recours. Je pourrai donner plus d’éclaircissements sur ce dossier après la décision finale», a indiqué le patron de la FAF. Les avocats de Kheireddine Zetchi devront alors introduire dans la procédure une mesure provisionnelle et expliquer aux juges de l’arbitrage que le rejet de la candidature du président de la FAF constitue un préjudice irréparable. Si la requête est accueillie favorablement le TAS-Lausanne pourrait statuer dans les plus brefs délais et rendre sa décision avant le 12 mars prochain, date de l’AGE de la CAF.

NAZIM BESSOL ( IN BOTOLA)

 

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