Portraits

Le « Bastion d’El Hamri » est parti…

Djillali Zeradni

 L’une des grandes figures du Mouloudia d’Oran des années 50, Hadj Djillali Zeradni, dit « Stamba » vient de nous quitter. Il a tiré sa révérence, jeudi dernier, à l’âge de 91 ans. Pur produit de l’école Avicenne, tout comme ses frères Mohamed et Ghalem, il était surnommé par le « Bastion d’El Hamri » par les médias. Son nom figure en bonne place dans le dernier ouvrage de référence de Ahmed Bessol Lahouari « C’était le Mouloudia des Hamraoua 1946-1956 ». Morceaux choisis :

Un caractère bien trempé

« Zeradni ‘‘Stamba’’». Un fils d’El Hamri qui accepte d’occuper le banc de touche sans regret et qui sera l’homme de l’accession en promotion d’honneur, grâce à son emprise sur les joueurs. Son expérience et la connaissance des hommes seront des atouts décisifs pour sa carrière d’éducateur. C’est un dur à cuir. Un caractère bien trempé dans un quartier où «la loi du plus fort est toujours la meilleure». Il se différencie de ses prédécesseurs qui privilégiaient le dialogue, par une autorité sans faille et une discipline de fer. Il impose le respect à ses anciens coéquipiers qui ne sont pas de tout repos. «Le jeune Soualmia Ghalem, connu pour être un bagarreur, a tenté un jour de l’intimider en feignant de sortir un couteau de sa poche arrière. La réplique ne s’est pas fait attendre sous la forme d’une boîte de pharmacie en bois qu’il évite de justesse. »

 L’école des talents

« Le football à El Hamri est aussi une histoire de familles avec les Bessol, les Freha, les Zeradni, les Bendjahen, les Naïr, les Benmimoun, les Missoum, les Benahmed, les Soualmia et bien d’autres encore qui endosseront les couleurs Rouge et Blanc. Tous avaient une particularité, ils ne fréquentaient pas les lieux publics. Ils préféraient s’installer sur les trottoirs, assis sur des tapis autour d’une théière pour discuter de leur quotidien. Parmi eux, le père Zeradni se faisait le plus remarqué. Toujours droit dans ses bottes, portant djellaba et turban à longueur d’année, il était inflexible quand il s’agissait de l’éducation de ses enfants. Deux d’entre eux étaient d’excellents footballeurs : Abdelkader et Djilali, dit Stamba qui s’était montré réticent pour renouveler sa licence… » «  L’école Avicenne (Ibn Sina) sera un formidable et merveilleux réservoir pour les clubs oranais et particulièrement pour le Mouloudia. Ses meilleurs joueurs : les frères Zeradni, Ahmed Boudjellal et autres se font remarquer dans cette école. Les entraîneurs et dirigeants des autres formations attendaient avec impatience la rencontre annuelle qui opposait l’école Avicenne à l’école Louis-Lumière (ville nouvelle). Un big derby scolaire au cours duquel le stade affichait complet dans une ambiance de fête. Même Louis Dossat, l’entraîneur de la sélection d’Oranie et de l’USMO, n’en ratait pas un. »

Des moments magiques

« …Dans ce climat explosif, les supporters prennent une douche froide quand, sur un tir de la vedette mascaréenne Dragutini, le gardien Freha Benyoucef est battu, mais Zeradni  «Stamba», d’une tête plongeante sort miraculeusement le ballon sur la ligne de but… » « L’équipe pique-niquait dans les bois ou en rase campagne avant de se rendre au stade, une heure avant le coup d’envoi. Il n’était pas question de séance d’échauffement. On entrait directement sur le terrain pour entamer la rencontre. Zeradni
Djilali s’en souvient avec nostalgie : « Ce sont des moments magiques. On échangeait des petits bouts de casse-croûtes que nos mères avaient préparés et ensuite on se concentrait sur la rencontre. Le discours de l’entraîneur Sebaâ Lahouari était écouté dans un silence religieux. Il variait en fonction de l’adversaire et aucun joueur ne prenait la parole. Mais il était toujours question de bravoure, de dignité et de l’amour des couleurs.», raconte-t-il.

«J’ai fait l’Indochine, mais…»

Le maire du village, un dénommé Paul Yung, qui se trouve bien malgré lui dans la mêlée est violemment pris à partie. Il fait alors appel à la police qui boucle le stade et place joueurs et supporters hamraoua sous contrôle. Les dirigeants Ali Hamadène et Rouane Serik Boutaleb sont emmenés manu militari devant lui. Il exige qu’on lui remette, sur-le-champ, son agresseur sinon «tout le monde passera la nuit en prison et tout le monde sera présenté au parquet. Aucun de vous n’y échappera», menace-t-il. Zeradni  Djilali se présente alors et il s’entend dire sur un ton paternaliste : «Jeune homme, je suis un bagarreur doublé d’un baroudeur, j’ai fait l’Indochine, mais je n’ai jamais reçu un coup de boule qui m’a fait voir les étoiles. Maintenant, dites à vos coéquipiers qu’ils peuvent rentrer chez eux»…

Un chambreur à l’oranaise

« Dans les vestiaires, en attendant le coup de sifflet de l’arbitre pour passer à la rituelle vérification des licences, les visages crispés, les joueurs enfilent leurs équipements. Zeradni «Stamba» tente de mettre de l’ambiance en chambrant le gardien Freha Benyoucef. «Tu n’as pas encore pris le maillot de mon frère Ahmed. Tu n’a pas encore appris à faire la différence entre le numéro 5 et le numéro 4». De grands éclats de rires raisonnent et se répercutent jusque dans les vestiaires de l’équipe adverse et de l’arbitre. Celui-ci déclare à Ali Hamadène qui venait lui remettre les licences : «Quoi, ils fêtent déjà la victoire vos gars ? Ils n’ont pas encore gagné». La réplique ne se fait pas attendre : « Le couscous est déjà prêt et vous êtes invité

AB.Lahouari, in  » C’était le Mouloudia des Hamaroua, 1946-1956″

 Editions MédiaSports

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